J’avais lu un article très intéressant en 2012 à l’époque des commémorations du 11 Novembre. L’article avait été publié sur le site RUE89.
Je vais donc ici copier le texte (pour ne pas qu’il disparaisse) et mettre le lien vers l’article. Rédigé par Bernard Girard
La presse locale en raffole : chaque année, les photos d’écoliers rassemblés à l’occasion du 11 Novembre devant le monument aux morts de la commune illustrent complaisamment les pages intérieures des quotidiens. Souvent peu nombreux, souvent tout petits, leur présence est comme une sorte de caution apportée par leur maître zélé, soucieux de ne pas déplaire aux autorités locales, à la perpétuation d’une mémoire officielle de commande.
Spectateurs plus ou moins obligés d’un rituel à la fois religieux et militaire – hymne national, drapeaux, présence d’anciens combattants dont on se garde bien de dire que les faits d’armes remontent le plus souvent à la guerre d’Algérie –, les enfants font l’objet d’un conditionnement guère en rapport avec la réalité historique ou la formation morale du citoyen : ce n’est pas un hommage aux morts qu’on rend, mais un hommage à la guerre.
« La guerre peut tuer »…
Une dérive mémorielle dont on trouve l’illustration, par exemple, à l’Historial de Péronne, sorte de Disneyland consacré à la Première Guerre mondiale, dont le service éducatif fait preuve d’une imagination débordante dans l’élaboration d’activités ludiques pour ses jeunes visiteurs : comment apprendre la guerre en s’amusant ?
Au point qu’au détour d’une bande dessinée, Stéphane Audoin-Rouzeau, président du Centre de recherche de l’Historial, se croit tenu de préciser à l’attention de ses petits lecteurs : « La guerre ne se contente pas de blesser, elle peut tuer également . »
On ne va quand même pas se gâcher la visite avec 10 millions de morts…
Poser la question des causes des guerres
S’il s’agit de mémoire, peut-être faudrait-il, d’abord, poser les bonnes questions :
- sur les causes des guerres, toujours futiles en regard des résultats ;
- sur l’obligation faite à des millions d’hommes de sacrifier leur vie pour défendre des frontières qui ne sont jamais qu’un pointillé sur une carte ;
- sur l’obéissance aveugle exigée par des chefs criminels abusivement qualifiés de « héros » ;
- sur l’identification factice et arbitraire à une nation, qui voudrait faire croire qu’on meurt « pour son pays » alors que l’on meurt en réalité à cause de son pays, ou, du moins, d’une certaine conception de la vie en collectivité arc-boutée sur la nation comme à un dogme intangible.
S’agit-il vraiment de « mémoire » que l’on veut entretenir ou d’amnésie, d’aveuglement ? Car si le souvenir d’une guerre ou d’un épisode dramatique de l’histoire doit avoir du sens, n’est-ce pas avant tout pour en empêcher le retour ?
Commémorer pour détourner le regard
En 1994, alors que les enfants des écoles étaient réquisitionnés pour le 50e anniversaire du débarquement en Normandie, le Rwanda était la proie du génocide que l’on sait, avec la complicité des « Grands » de ce monde qui se pressaient sur les plages du débarquement.
Très souvent, la commémoration apparaît comme un moyen commode pour détourner le regard de ce qui se passe sous nos yeux, pour se donner bonne conscience à moindre coût.
Depuis 1914, les guerres n’ont jamais cessé, même si elles se sont déplacées, alimentées par le commerce des armes et les budgets militaires démentiels. Alors que le monde a dépensé l’an passé plus de 1 700 milliards de dollars pour faire la guerre (Sipri, avril 2012), que le budget militaire de la France est l’un des plus élevés en Europe, que la France s’honore d’être l’un des premiers exportateurs mondiaux d’armement, comment croire à l’honnêteté des cérémonies commémoratives du 11 Novembre ?
« Détrousseurs de cadavres et imposteurs »
Commémorer, pour quoi faire ? La question intéresse bien sûr les historiens mais c’est à un écrivain et scénariste américain, Dalton Trumbo, que l’on doit sans doute sur ce sujet, les paroles les plus fortes. Son roman « Johnny s’en va-t-en guerre », paru en 1939 et dont le héros est un soldat américain de la Première Guerre mondiale, est toujours d’actualité :
Laisser un commentaire